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Les propositions de communication doivent être déposées sur ce site avant le jeudi 9 novembre 2023 au soir sous forme de résumés (cf. parties « Modalités de proposition de communication » et « Calendrier » ci-dessous).

Ce colloque se déroulera les mercredi 3 et jeudi 4 avril 2024 à l’Université de Reims Champagne-Ardenne (Campus Croix-Rouge, Reims).

 

Argumentaire

Mots-clés : temps, temporalité, urbanisme, aménagement, projet urbain, planification, temporaire, développement durable, transition, accélération

 

A l’heure où l’idée de planification écologique trouve de plus en plus de résonnance au sein de la classe politique et de la société civile, la planification urbaine et territoriale, en revanche, apparait comme une manière de faire la ville dont l’efficience est mise en question depuis de nombreuses années (Demazière & Desjardins, 2016; Desjardins, 2020). Dans un contexte d’incertitudes croissantes, les projections idéalisées et standardisées sont de plus en plus critiquées face à la réactivité et à l’adaptabilité de modèles capables de « jouer » avec le temps. Le temps et sa maitrise sont l’un des grands défis de l’urbanisme contemporain : avec le changement climatique et la crise de la biodiversité, les sociétés sont invitées à penser et à se projeter à long terme, alors que l’accélération sociale généralisée (Rosa, 2005) impose des rythmes économiques et sociaux exigeant des réflexions et des réponses rapides et à court terme.

Confronté à ces enjeux, le monde de l’urbanisme et de l’aménagement semble se reconfigurer autour de nouvelles articulations temporelles, dans de nombreux pays, en particulier en Europe et en Amérique du Nord. L’affirmation du développement durable et de la transition écologique dans la production et la gestion des espaces urbains va de pair avec la montée en puissance de certaines conceptions urbanistiques qui proposent un rapport particulier au temps. Temporaire, transitoire, tactique, adaptable, flexible, réversible, éphémère... depuis quelques années, les qualificatifs associés aux mots « urbanisme » et « aménagement » se multiplient. Ces quelques exemples s’inscrivent dans un foisonnement d’initiatives, fondées sur des temporalités courtes ou reconsidérant les phases traditionnelles des projets urbains (Andres & Zhang, 2020). Ces conceptions nouvelles partagent l’idée que la ville est en mutation permanente et qu’il est difficile pour les planificateurs et les programmateurs de prévoir en amont des projets et sur le long terme l’ensemble des ressources, besoins et usages futurs. Les méthodes employées se veulent plus incrémentales et itératives, les propositions plus aptes à s’adapter aux changements et à agir rapidement. Initiées pour beaucoup sous la forme d’alternatives (Bishop & Williams, 2012; Oswalt, Overmeyer & Misselwitz, 2013), elles s’inscrivent désormais dans un processus d’institutionnalisation renvoyant à la professionnalisation de ses acteurs et à leur intégration, en tant qu’outil, dans les politiques publiques (Pinard & Morteau, 2019). Ce processus invite donc à interroger plus largement la manière dont est pris en compte le temps par celles et ceux qui pensent et font la ville aujourd’hui.

L’objectif de ce colloque est d’interroger les évolutions temporelles contemporaines dans les domaines de l’urbanisme et de l’aménagement. Il s’inscrit dans le cadre du programme de recherche « UrbaTime. Les temps de l’urbanisme durable »[1] (2018-2024) qui propose une analyse transversale de différentes conceptions urbanistiques contemporaines fondées sur le court-terme et le temporaire, proposant de penser autrement le rapport de l’aménagement au temps, et dont les principaux résultats seront présentés lors de ces journées.

Le colloque vise à élargir la perspective et à ouvrir le dialogue avec d’autres chercheur·ses intégrant une réflexion sur le temps dans différents champs de l’urbanisme et de l’aménagement. L’analyse des pratiques du domaine invite, en effet, à de nombreuses interrogations sur le temps. Ces pratiques étant fondées sur une activité de transformation de l’espace, et donc sur le changement, elles nécessitent, d’une part, de concevoir l’articulation du passé, du présent et du futur et, d’autre part, de coordonner les temporalités des différents acteurs impliqués dans cette transformation (Mallet, 2020).

Par conséquent, les objets concernés par cet appel à communications ne se limitent pas aux différentes formes de l’urbanisme temporaire et peuvent être très variés : nouveaux montages de projets, enjeux de la planification urbaine et territoriale, diversité des formes d’intervention sur l’espace public, transformation de friches urbaines, production des appels à manifestation d’intérêt, conflits liés aux projets d’aménagement, etc. Quelles transformations des temporalités dans la fabrique urbaine sont observables ? En quoi assiste-on à une déstabilisation des temps traditionnels ?

Ce dialogue invite à un effort de montée en généralité croisant différents regards et disciplines (urbanisme, sociologie, géographie, sciences politiques, architecture, histoire, etc.). Dans une perspective d’ouverture internationale des débats, les travaux réalisés dans différents pays du monde sont les bienvenus et permettront d’interroger la variabilité des rapports au temps et son influence sur les manières d’envisager la fabrique urbaine et territoriale.

 

Les trois axes développés ci-dessous proposent d’organiser la réflexion et les débats à partir des thématiques travaillées par les chercheur.ses du programme UrbaTime.

AXE 1 : Composer avec le temps : stratégie, processus et rapports des acteurs face à la complexité et à l’incertitude

Pris dans un contexte d’incertitude cadré par des normes et des dispositifs, les acteurs qui travaillent à la conduite de l’action urbaine, que ce soit en matière de projet urbain ou de planification territoriale, sont soumis à de multiples temporalités, parfois divergentes. Le temps peut apparaître comme une ressource pour l’action ou comme une contrainte. Sa maîtrise constitue un enjeu de pouvoir conséquent, un objet de tensions, voire de conflits.

La prise en considération de la diversité des actants, humains (habitants, usagers, occupants…) et non-humains (faune, flore, virus, etc.), multiplie les interactions potentiellement conflictuelles, expressions de rapports de force et de pouvoir renouvelés (Imhoff & Quirós, 2022). La complexité qui en résulte remet largement en cause la rigidité des procédures et des méthodes classiques de l’urbanisme et de l’aménagement. Quelles stratégies les acteurs peuvent-ils mettre en œuvre pour déjouer les difficultés liées au temps ? En quoi le temps peut-il constituer une ressource pour les acteurs ? De quelles manières certains tentent-ils de s’imposer et de devenir « maîtres du temps » ?

Par ailleurs, la question des jeux temporels pose celle de la manière dont les acteurs intègrent l’incertitude pour établir leurs stratégies (Amphoux, 2022). Les demandes croissantes d’adaptabilité et de réversibilité, le développement et la valorisation des expérimentations, remettent en cause le déroulé classique des projets urbains. Finalement, le projet, tout comme la planification territoriale, tels qu’ils sont repensés et pratiqués (Silva, 2016), ne seraient-ils pas l’expression d’un processus continu, dont la finalité trop incertaine ne peut plus réellement être envisagée (Zepf, 2004) ?

AXE 2 : Court-terme/long terme : les dynamiques sociales, opérationnelles et institutionnelles à l’épreuve de la durée

L’analyse des dimensions temporelles de l’urbanisme et de l’aménagement interroge directement l’articulation des actions en fonction de leurs effets immédiats, « ici et maintenant », et de leurs projections à plus ou moins long terme.

D’une part, les problématiques écologiques et climatiques imposent de reconsidérer la course au progrès dans laquelle les sociétés sont plongées, à penser aux effets des actions présentes sur différents horizons temporels et à fournir un réel effort pour transformer les actions à court-terme (Mallet & Zanetti, 2015). Or, ce nécessaire renouvellement des articulations temporelles se confronte aux temporalités court-termistes et présentistes dominantes, imposées par le capitalisme (Baschet, 2018). Dans ce cadre, de quelles manières la reconnaissance collective d’une nécessaire transition écologique et l’injonction à la durabilité peuvent-elles constituer un vecteur de renouvellement des temporalités de l’action urbanistique ?

D’autre part, si les pratiques fondées sur le court-terme se multiplient depuis quelques années, celles-ci entretiennent des rapports variables avec le long terme et les manières de produire l’espace. Le recours aux aménagements temporaires pour contribuer au développement des villes et des territoires, notamment à travers l’organisation d’évènements (Pradel, 2007; Gravari-Barbas & Jacquot, 2007), n’est pas un fait nouveau. Cependant, d’autres types d’aménagements temporaires, dits « tactiques » ou « transitoires » ont été conçus en rupture avec des logiques de marchandisation de l’espace et érigées en alternative à la lenteur et la rigidité des processus bureaucratiques. Or, ces méthodes alternatives ont été rapidement institutionnalisées et incorporées dans un processus de production classique de la ville (Mould, 2014; Bragaglia & Caruso, 2020; Andres, 2013). L’émergence de conflits liés à des formes d’appropriation divergentes de ces méthodes, par des acteurs aux finalités différentes, invite à reconsidérer la territorialité de ces projets, en interrogeant leurs dimensions matérielles, temporelles et relationnelles, afin de mettre en évidence la complexité et la tension qui peut les animer, notamment au regard des rapports de pouvoir entre les acteurs impliqués.

AXE 3 : Circulation des savoirs sur le temps en urbanisme

Le temps a toujours constitué une dimension clé de l’urbanisme, rendue plus ou moins explicite. Ces dernières années ont connu l’émergence de pratiques intégrant le temps comme un élément structurant, ce qui induit la production et l’intégration de savoirs spécifiques qui leur permettent de trouver des espaces de légitimité. A titre d’exemple, l’urbanisme transitoire et l’urbanisme tactique ont été érigés comme des modèles de manière particulièrement rapide à l’échelle internationale. Cette rapidité a été permise par de nombreux débats, articles de presse, guides spécialisés, études, ouvrages, de même que par les réseaux sociaux, mais les échanges et les moyens de circulation des savoirs ont finalement été peu analysés (Dubeaux, 2017; Krzysztof & Rodgers, 2020).

Ce dernier axe propose de centrer la réflexion sur la manière dont les savoirs sur le temps, les normes et les modèles temporels sont élaborés et mis en circulation. Dans la lignée des recherches menées depuis longtemps sur la circulation des modèles d’aménagement et de gestion urbaine (Verdeil, 2005), renouvelées dans le monde anglophone autour de la notion de « policy mobilities » (McCann & Ward, 2011), cet axe entend interroger les contextes dans lesquels s’élaborent ces normes et modèles, les acteurs qui les produisent, de même que les circuits et les réseaux par lesquels les savoirs circulent, la manière dont ils sont appropriés localement et par qui. Ces questions amènent à considérer l’ensemble de ces savoirs experts et de ces pratiques dans leur contexte d’énonciation.

Il entend également interroger les régimes temporels des modèles qui se sont imposés – horizons temporels privilégiés, vitesse d’action, manières d’articuler le court-terme et le long-terme, rapports au passé, au présent et au futur, etc. –, de même que la transformation des modèles eux-mêmes par leur mise en circulation. Quels sont les différents modèles temporels permettant de définir le cadre des « bonnes pratiques » (Devisme, Dumont & Roy, 2007) ? Et comment s’opère l’évolution des définitions renvoyant à des manières de faire avec le temps ? Comment s’articulent-elles avec les modèles de transition et de durabilité ?

 

Bibliographie

AMPHOUX, Pascal (2022) « Vers un urbanisme de l’incertitude », Raison présente, Union rationaliste, 222/2, p. 49‑57.

ANDRES, Lauren (2013) « Differential Spaces, Power Hierarchy and Collaborative Planning: A Critique of the Role of Temporary Uses in Shaping and Making Places », Urban Studies, 50/4, p. 759‑775.

ANDRES, Lauren et Amy Y. ZHANG (éd.) (2020) Transforming cities through temporary urbanism: a comparative international overview, Cham, Suisse, Springer,.

BASCHET, Jérôme (2018) Défaire la tyrannie du présent. Temporalités émergentes et futurs inédits, La Découverte. Paris.

BISHOP, Peter et Lesley WILLIAMS (2012) The temporary city, Abingdon, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

BRAGAGLIA, Francesca et Nadia CARUSO (2020) « Temporary uses: a new form of inclusive urban regeneration or a tool for neoliberal policy? », Urban Research & Practice, Routledge, 15/2, p. 194‑214.

DEMAZIÈRE, Christophe et Xavier DESJARDINS (éd.) (2016) « La planification stratégique: retour gagnant ? », RIURBA, en ligne:  <http://www.riurba.review/Revue/la-planification-territoriale-strategique-une-illusion-necessaire/>.

DESJARDINS, Xavier (2020) Planification urbaine. La ville en devenir., Armand Colin. Paris.

DEVISME, Laurent, Marc DUMONT et Elise ROY (2007) « Le jeu des « bonnes pratiques » dans les opérations urbaines, entre normes et fabrique locale » », Espaces et sociétés, /131.

DUBEAUX, Sarah (2017) « Les utilisations intermédiaires des espaces vacants dans les villes en décroissance: transferts et transférabilité entre l’Allemagne et la France », Thèse de doctorat, 2015-2019, France, Université de Recherche Paris Sciences et Lettres, en ligne:  <http://www.theses.fr/2017PSLEE085/document> [consulté le: 13/09/2023].

GRAVARI-BARBAS, Maria et Sébastien JACQUOT (2007) « L’événement, outil de légitimation de projets urbains : l’instrumentalisation des espaces et des temporalités événementiels à Lille et Gênes » », Géocarrefour [En ligne, 82/3, en ligne:  <http://journals.openedition.org/geocarrefour/2217>.

IMHOFF, Aliocha et Kantuta QUIRÓS (2022) Qui parle ? (pour les non-humains), Paris, France, Presses universitaires de France.

KRZYSZTOF, Herman et Maria RODGERS (2020) « Land | Free Full-Text | From Tactical Urbanism Action to Institutionalised Urban Planning and Educational Tool: The Evolution of Park(ing) Day », en ligne:  <https://www.mdpi.com/2073-445X/9/7/217> [consulté le: 13/09/2023].

MALLET, Sandra (2020) Les dimensions temporelles de la fabrique urbaine, Lille, Université de Lille.

MALLET, Sandra et Thomas ZANETTI (2015) « Le développement durable réinterroge-t-il les temporalités du projet urbain? », VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement, Les éditions en environnements VertigO, /Volume 15 Numéro 2, en ligne:  <https://journals.openedition.org/vertigo/16495> [consulté le: 31/08/2023].

MCCANN, Eugene et Kevin WARD (2011) Mobile urbanism: cities and policymaking in the global age, Minneapolis, Etats-Unis d’Amérique, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

MOULD, Oli (2014) « Tactical Urbanism: The New Vernacular of the Creative City », Geography Compass, 8/8.

OSWALT, Philipp, Klaus OVERMEYER et Philipp MISSELWITZ (2013) Urban catalyst: the power of temporary use, Berlin, Allemagne, DOM publishers.

PINARD, Juliette et Hélène MORTEAU (2019) « Professionnels de l’occupation temporaire, nouveaux acteurs de la fabrique de la ville? Du renouvellement des méthodes en urbanisme à l’émergence de nouveaux métiers », Revue internationale d’urbanisme, /8.

PRADEL, Benjamin (2007) « Mettre en scène et mettre en intrigue : un urbanisme festif des espaces publics », Géocarrefour, Association des amis de la Revue de Géographie de Lyon, 82/3, p. 123‑130.

ROSA, Hartmut (2005) Accélération. Une critique sociale du temps, La Découverte. Paris.

SILVA, Paulo (2016) « Tactical urbanism: Towards an evolutionary cities’ approach? », Environment and Planning B: Planning and Design, SAGE Publications Ltd STM, 43/6, p. 1040‑1051.

ZEPF, Marcus (2004) « Eléments de définition de la raison pratique de l’aménagement urbain : vers un continuum entre agrégation d’acteurs et processus permanent, Mémoire de synthèse d’HDR », Université Lyon, 2.

 

 



[1] Pour en savoir plus : https://urbatime.hypotheses.org/

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